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... from Norman Cliff's scrapbooks,
about the people who lived there:


The individuals ...

Emmanuel Hanquet ... or
Father Hanquet:

... Emmanuel Hanquet, as he was before WWII ... when he came to China,

Monsieur l'abbé Palmers nous écrit:

Bonne Chasse (1)

(... about ... when Emmanuel Hanquet left Belgium for China ...)

Que d'autos ! Pas moyen de « stopper » devant le n° 4. On s'arrête plus loin.

Le corridor. Une multitude de gosses jouent à cache-cache derrière les tas de manteaux.

Un salon, deux salons. Du monde ! Des parents, des enfants, des jeunes ménages, des vieux ménages ― mais jeunes quand même ― des jeunes gens, des jeunes filles.

Que se passe-t-il ? Eh bien voilà. L'abbé Hanquet ― Manu pour la famille ― s'en va ! Manu, vous savez bien. Le toujours dévoué dans les œuvres, l'animateur de quelques troupes scoutes ― il est dangereux de les citer parce qu'on risque d'en oublier ― Manu l'ami de tous, le joyeux compère, le ― oserais-je le dire ― le chanteur comique du Séminaire ! Bref, tel que chacun l'a connu, Manu Hanquet est le héros de cette soirée. Il va prendre le train pour Rome, puis il s'en ira vers la Chine.

Il part travailler « aux sillons les plus lointains », là où manquent les ouvriers. Ça, c'est épatant ! Aussi chacun est heureux. Les conversations sont animées. Manu passe de groupe en groupe, fait rire une fois de plus, sème la joie.

Mais l'heure du train approche. Il faut se quitter. On est heureux, évidemment, que Manu aille travailler là-bas, niais on aimerait autant le garder ici. Allons, tant pis... on a la Foi ! Dieu demande de gros sacrifices ? A Votre service, Seigneur ! Tant pis ou plutôt tant mieux !

Au revoir à chacun ! Cousin, cousine, oncle, tante, frère, sœur... papa... maman... Manu bénit sa famille agenouillée.

A la gare, des vieux amis. « Ah oui, les routiers, on va servir. » Ils chantent des chants de conquête.

Bénédiction. Poignée de mains.

Encore deux minutes. Allons, place à la joie ! Et Manu, de la fenêtre, entonne « J'ai connu dans mon jeune âge... » Manu, va ! Toujours le même !

Abbé Palmers.

(1) L'expression : bonne chasse n'a rien de cynégétique : M. l'abbé Hanquet n'est pas un missionnaire-chasseur. L'expression « bonne chasse » selon le langage scout a perdu son sens, de jungle et signifie de façon imagée: bon travail. (N. d. l. R.)

... just after our liberation by the Americans ... in front of Block-56, - The Priests Shack - ...

Nos abbés au camp de concentration de Weihsien en Chine
De gauche à droite ;
Abbés De Jaegher, Wenders, le Père Martin de l'Abbaye de Lophem, les abbés Hanquet, Keymolen, Unden et Palmers. Cette photo portait la mention; « Septembre 1945. Bloc 56. - Notre palais ».


... painting by David Beard © in May 1945 - Block-56, The Priests' Shack.

... Father Hanquet writes: ...

CAMP DE CONCENTRATION.

Au camp de Weihsien il y avait 1,500 internés (dont 300 catholiques) de 13 nationalités, en majorité des anglais et des américains. Après le départ des missionnaires, autorisés par les japonais à vivre à Peiping (6 évêques, 400 prêtres, 200 religieuses), il ne restait en fait de missionnaires que 10 prêtres : 2 Franciscains américains, 6 Auxiliaires des Missions, 1 Bénédictin belge et 1 Jésuite belge. Il y avait également 6 Soeurs américaines. 25 personnes reçurent le baptême au camp, toutes converties du protestantisme.

Parmi elle Miss Brayne, une anglaise, missionnaire de la « China Inland Mission ».

MESSE AU CAMP

Les services religieux étaient célébrés dans une église qui servait d'école, de salle de conférences, de théâtre, etc. Les prêtres y prêchaient à tour de rôle, en anglais, le dimanche à la Grand'messe ou à la messe de communion des enfants. Tous les matins 3 prêtres disaient la messe dans les 2 chambres. que les Soeurs occupaient et les autres dans une minuscule chambre qui servait de chapelle et où le Saint Sacrement était conservé. Il y avait très peu de vin de messe et on parvenait à. dire 100., messes avec le contenu d'une seule bouteille. On n'en employait qu'une cuillerée à café par messe ; là goutte d'eau y était déposée avec un compte-gouttes.

M. l'abbé Michel Keymolen nous écrit :

Peking, le 8 novembre 1945,

On vient de me remettre cette feuille de papier qui, prétend-on, sera envoyée par avion en Europe, à condition qu'elle soit prête demain. Comme il semble que les communications sont encore très mauvaises avec l'Europe, je profite de l'occasion ; d'autant plus que nous ne savons presque rien de la Belgique et de ses habitants, et absolument rien de vous, ni directement ni indirectement par des amis. Ce silence est un mystère que nous n'arrivons pas à comprendre. La seule nouvelle que nous avons apprise est que la branche féminine de notre groupe forme actuellement un magnifique essaim. Nous en sommes fort heureux, mais un peu plus de nouvelles, surtout de vous, nous feraient un immense plaisir.

Il ne me reste qu'à vous donner un bref aperçu de notre odyssée. Au début de 1943, le bruit nous était parvenu que nous serions internés. Le 19 mars, après des adieux « très humides », nous quittions Suan-Hwa : l'abbé N. Wenders, trois trappistes, un Anglais qui se rendit célèbre plus tard au camp, le Père Scanlan, un Canadien et un Hollandais qui attrapa le typhus un peu après son arrivée à Weihsien et moi-même ; le tout escorté par des policiers consulaires japonais. Au moment où les pousses démarraient, je criai aux séminaristes : « Revenie. mus cum Victoria » (1) ; la coquine de victoire m'a précédée.

D'abord à Kalgan, chez le curé, où nous ne tardons pas à voir arriver les Pères de la Congrégation de Scheut au complet et les chanoinesses de St. Augustin. La plupart ont pu emporter autant de bagages qu'ils voulaient; nous, nous n'avions été autorisés à emporter que deux valises, une partie à l'avance, et l'autre dont nous pouvions nous charger; cela dépendait des policiers. On dort par terre sur des couvertures fournies par le consulat japonais qui pousse l'amabilité jusqu'à nous envoyer à chacun un saucisson que les policiers se sont disputés à grand fracas toute la nuit.

Le 22, 256 pères et une quarantaine de religieuses partaient pour Péking. A Pèking changement de train ; on refuse même aux sœurs l'aide de porteurs. Sur quoi Mgr Desmet, un vieillard, se fâche et « attrape » l'attaché du consulat japonais qui baisse pavillon et fait appeler des porteurs.

A Tien-Tsin, nouveau changement de train; on est serré comme des harengs dans une boîte à sardines, on passe la nuit comme on peut, c.-à-d. mal. A Tsinnanfu, nouveau changement de train; tout le monde se moque de l'esprit de désorganisation japonais. Enfin vers 4 h. de l'après-midi, nous arrivons à Weihsien ; le consul suisse de Tsingtao, délégué de la Croix-Rouge internationale est sur le quai; sa présence est pour tous un grand réconfort car l'expérience nous a appris à attendre le pire des japs. Des autobus japs nous emportent au camp situé à une dizaine de lis (2) de la ville de Weihsien dans le Shantung. C'est un centre de presbytériens américains (protestants), immense propriété, plusieurs buildings à étages, hôpital etc. Les alliés de Tsingtao nous accueillent. Nous devions avoir l'air assez farouche car plus tard un missionnaire protestant me dira qu'il croyait que nous étions les « troupes de choc des Roman catholic ». Il faut que j'abrège. Bientôt d'autres groupes arrivent et parmi eux les samistes Paul Gilson, Raymond De Jaegher, Herman Unden, Albert Palmers. On nous met heureusement ensemble dans deux toutes petites chambres. Les japs fournissent des vivres, font l'appel, montent la garde et ne s'occupent pas du reste. Tout le travail est fait par les internés, boulangerie, cuisine, etc. Tous sont occupés aux cuisines sauf Paul et moi qui sommes préposés à des besoins bien moins poétiques. Après le départ de Paul, Raymond le remplacera. Nicolas, cuisinier, puis chauffeur, Herman et Albert, boulangers.

Nous sommes environ 500 Pères et Sœurs alliés ; leur présence a mis la joie et la gaîté dans une société qui était passablement abattue. Beaucoup même parmi les catholiques ont eu comme une révélation du prêtre; surtout les Américains, bons enfants et très cordiaux. Ah! les magnifiques matchs de base-ball où tout le camp se précipitait et où bien des sympathies allaient aux « padres ». Ils ont laissé un souvenir très bienfaisant et inoubliable. Le 15 août, ils sont repartis vers Péking sur les instances du Délégué. Comme c'était à nos frais, nous avons préféré ne pas grever le budget déjà si maigre de nos évêques et sommes restés avec l'approbation de Mgr le Délégué. Paul seul est parti à cause des exigences de la procure de Pékin. On a vu aussi les missionnaires protestants. Nous avons fait quelques amis parmi eux.

En septembre, un nombre important d'Américains ont été rapatriés, et à leur place est venu le groupe de Chefoo, composé surtout de l'école de C. I. M. (China Inland Mission). Au début nous étions 1800, depuis 1500. L'atmosphère du camp changea complètement; elle devint assez terne. Beaucoup de gens étaient fort « clown ». Nous rencontrons Mme Hc de Keyser et ses trois fillettes (les trois garçons sont à Shangaï et jean (3) à Tchungking). Avec Raymond on devient fort bons amis. Ils quittent, libérés, en février. Je donne des leçons de latin et français à l'école américaine établie au camp et qui est pratiquement catholique.

Les laïcs habitués à la vie confortable ont certainement beaucoup souffert; nous pas. J'ai grossi.

Le camp me vaut un dixième an dont j'avais absolument besoin. Je reviens du camp rayonnant de santé. La philanthropique de Tien Tsin nous a envoyé des colis.

Le 17 août 1945, sept Américains sont arrivés en parachute au camp. Dans un délire de joie, tout le camp se rue dans les champs à leur rencontre. Le 16 octobre, je suis évacué avec Raymond et Manu Hanquet à Péking par avion. Les autres suivent le lendemain. Albert était parti un mois plus tôt pour Shangaï. J'habite chez Paul Gilson avec Nicolas. Suan-Hwa est aux mains des rouges. Impossible de retourner; d'ailleurs le Séminaire est scindé et éparpillé. Les Pères de Scheut attendent encore toujours à Péking. Il faudra bien attendre quelques mois avant que tout cela ne s'arrange. Le grand séminaire de Suan-Hwa a été occupé par le gouvernement provincial des japs, maintenant par les rouges. La résidence, le couvent du Petits Frères, etc. à Ankwo ont été pillés plusieurs fois par les japs, maintenant ils sont également occupés par les rouges qui ont relégué Monseigneur dans une petite chambre. Raymond et Herman sont à la procure des Petits Frères près du Petang. Manu songe à rentrer à Huntung sous peu.

Salut cordial à tous.
MICHEL.

(1) Nous reviendrons avec la Victoire.
(2) Environ 8 km.
(3) Jean Ho, ancien étudiant de Louvain, marié à une louvaniste.