Ce vendredi, à
Chaumont-Gistoux, la rencontre entre les vétérans
et les enfants s'est soldée par la plantation d'un
arbre de la paix Photo
Breny
Léopold Pander est l'un des derniers
prisonniers politiques de Chaumont-Gistoux. Il n'a que
64 ans. La raison ? Il a été arrêté en Chine à l'âge de
2 ans.
S i les prisonniers de guerre affichent
aujourd'hui 80 années au minimum, il n'en est pas de
même de tous les prisonniers politiques. La preuve par
Léopold Pander, qui a participé ce vendredi matin à la
cérémonie organisée par la commune de Chaumont-Gistoux
(lire ci-dessous). Il n'avait que deux ans quand sa
famille et lui furent faits prisonniers des
Japonais.
Si l'aventure de cet habitant de Corroy-le-Grand l'a
touché plus moralement que physiquement, son histoire
nous rappelle que la guerre a également sévi de l'autre
côté du globe. Et que les camps de concentration
n'étaient pas l'apanage des nazis. Entretien avec ce
« gamin » de 64 ans.
Que faisiez-vous en Chine pendant la dernière
guerre ? Mon père travaillait à Tien-Tsin (1) en
qualité de banquier pour une succursale de la Générale.
Il vivait donc là en compagnie de ma mère et de ma soeur
aînée. Moi, j'y suis né en 1941.
Quand et comment avez-vous été arrêtés ?
Depuis l'attaque de Pearl Harbour, en décembre
1941, nous vivions en résidence surveillée, sous l'oeil
des Japonais qui avaient fait main basse sur la banque.
En mars 1943, nous avons été acheminés dans un camp à
Weihsien (2). Les Japonais avaient décidé d'interner les
ressortissants des pays avec lesquels ils étaient en
guerre. Il y avait là près de 2.000 civils : des Belges,
des Hollandais, des Anglo-saxons, des Américains...
Quelle sorte de camp était-ce ?
C'étaient les anciens locaux d'une mission
presbytérienne. Les Japonais en occupaient une moitié
tandis que les prisonniers étaient entassés dans
l'autre. Le camp était entouré de murs et de fils de fer
barbelés, mais les conditions de détention étaient
relativement bonnes. C'étaient les prisonniers qui
s'occupaient de maintenir l'ordre et de régler la vie
quotidienne. Les enfants allaient à l'école, les adultes
s'occupaient de la cuisine et organisaient des
activités.
Avez-vous des souvenirs précis ? Non.
J'étais trop jeune et mes parents, après la guerre, ont
toujours évité ce sujet de conversation. La seule chose
dont je me souviens, c'est notre libération, le 17 août
1945, soit deux jours après la capitulation du Japon.
Elle fut l'oeuvre d'un petit commando américain qui
avait été parachuté non loin de notre camp. Je me
souviens de cette journée comme d'un grand moment de
joyeuse panique. Tout le monde courait dans tous les
sens. Les Japonais ont remis leurs armes calmement, mais
j'ai appris ensuite qu'il était moins une : ils avaient,
paraît-il, reçu l'ordre de nous exécuter ! J'ai continué
à en faire des cauchemars pendant plusieurs années.
Que s'est-il passé après votre libération ?
Après deux mois d'attente, nous avons été
évacués vers Tien-Tsin. Puis, comme nous y avions tout
perdu, nous sommes allés à Shanghai où mon père a repris
la direction d'une banque belge. En 1949, notre famille
a déménagé à Hong-Kong, avant de quitter définitivement
l'Asie en 1952. De tout cela, j'ai bien sûr gardé un
sentiment antijaponais.